À PROPOS DE…

Le déroulant “À PROPOS DE …” se compose de 2 secteurs distincts :
– EN SAVOIR +
               … propose un complément d’informations de l’auteur sur certaines de ses créations . L’ordre de présentation du déroulant suit celui du  tableau  gris de gauche:
ALLÉGORIE/ALLEGORY
HISTOIRE(S)/HI-STORY
NU/NUDE
…etc…
– TEXTES CRITIQUES
               … présente des textes de critiques d’art, galeristes , écrivains  sur l’artiste.

1° SECTEUR : EN SAVOIR PLUS +

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ALLEGORIE /  » L’eau qui dort « 

eau qui dort_apropos détails

Cette création a attendu longtemps avant de se concrétiser. Il s’agissait de trouver un décor naturel de paix et de beauté à la mesure de la violence et de la laideur contenues dans la nature humaine. La recherche a été longue bien que les magnifiques paysages naturels ne manquent pas de par le monde.
Lors d’une promenade en barque dans le delta du Po , la certitude d’avoir trouvé s’est imposée, car en surimpression, sur cet espace d’harmonie et de paix, une scène a peu à peu émergé : traque dans les roseaux, captures, noyades des corps entravés et lestés… 1943, soldats allemands contre partisans italiens ; une des plus belles séquences de cinéma : la fin de « Païsa » de Roberto Rossellini.
Ce lieu portait déjà en creux ce qu’il fallait lui faire dire.
En plan rapproché, 40 mots incrustés dans la photo apparaissent peu à peu et permettent d’appréhender clairement le double-sens de cette image.
Mots dans le ciel :
Sarin – ricine – tabun – soman – gaz moutarde – ypérite – phosgène  dichlore – VX-  lewisite -arcine -cyanure d’hydrogène- bertholite- phosphore blanc – napalm – uranium 235 – plutonium 239

Mots dans l’eau :
tricheries –  papotages – délation  –  qu’en dira t on – diffamation – cancans – on dit – tripotages – calomnie – commérages – falsification-  escroquerie – fraude–arrangements – attaque – combines – médisance – mensonge – accomodements- dénigrement –  trucages –  racontars

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ALLÉGORIE / Le batelier du Tarn

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-> Les Commémorations
L’ œuvre intitulée « Le batelier du Tarn » a été réalisée à l’occasion de la préparation de l’exposition « Le Tarn et majesté » qui s’est déroulée au Musée Ingres de Montauban  en 2007. Elle est née de la trouvaille de quatre cartes postales anciennes montrant l’une les sources de la rivière , les trois autres l’activité touristique dans la zone des Gorges; sur chacune le même homme jeune, chemise ouverte, chapeau de feutre, dirigeait la barque transportant les vacanciers. Au dos de deux de ces cartes, écrites et postées, une date : 3 aout 1913. Un an exactement avant le début de la Première Guerre Mondiale.  De là est née  une fiction possible sur le destin du batelier… le cours de sa vie devenant l’allégorie de celui de la rivière… ou vice-versa
.
Cette oeuvre est à replacer dans un ensemble de créations regroupées sous le titre de COMMÉMORATIONS. Echelonnées dans le temps, elles s’apparentent aux boîtes de type FLUXUS qui impliquent et font participer un groupe restreint de personnes et doivent répondre à un « principe » préalablement négocié entre tous les participants.
Ici Le « jeu » a consisté  à réaliser un photo-montage de type roman-photo en  utilisant le minimum de documents ( photocopies agrandies des cartes postales , extrait remanié d’une chronique paysanne de 1914, mots extraits d’un dictionnaire de l’époque décrivant la rivière Tarn, photos en couleur de l’Océan à l’embouchure de la Gironde, carte postale colorisée d’un militaire de l’époque ).

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HISTOIRE(S) / Chemin de Croix

Le thème du Chemin de Croix dans la peinture chrétienne occidentale a donné naissance à des créations fascinantes et d’une extrême virtuosité.Toujours narratives, elles devaient instruire et émouvoir.`
Quand il s’est agi d’exposer dans une chapelle de campagne située sur une « halte-station » le long d’un chemin de grande randonnée, le sujet s’est imposé à moi . Mais reprendre au 21° siècle ce thème longtemps délaissé ne pouvait plus se concevoir comme avant. Il devenait un défi nouveau à  affronter …   Si l’on veut bien oublier la foule sur le chemin, les huées, les crachats, les coups de fouet ou de piques, tout le pathos et le voyeurisme, que reste-t-il …  L’essentiel. Mon choix a été d’extraire l’essence de « la narration » par des formes simples et des couleurs immédiatement chargées: le noir , les rouges , l’or, le blanc.

14 boites-cadres noires de taille intime permettant de focaliser chaque fois sur le fait majeur.
un corps souffrant en mouvement, ce dont témoigne sa position dans le cadre.
– et des interactions  positives  (l’or, le blanc) ou négatives : le Noir. J’ai choisi de m’en tenir à la matérialisation seule de ces trois données.
Mais aussi, de « fermer » cet épisode biblique sur ce qui est considéré comme sa suite, donc en  ouvrant sur le message d’espoir : la résurrection . 13 et 14 sont de ce fait regroupés en 13. 14 : Reprend et transforme l’image 1 .
1ère station  : Jésus est condamné à mort -> CONDAMNÉ
2ème station :Jésus est chargé de la Croix -> PORTER
3ème station : Jésus tombe sous le poids de sa Croix -> FAIBLIR
4ème station : Jésus rencontre sa très Sainte Mère -> AIMÉ
5ème station : Simon aide Jésus à porter sa Croix -> AIDÉ
6ème station : Véronique essuie la sainte Face de Jésus -> APAISÉ
7ème station : Jésus tombe une seconde fois -> DÉFAILLIR
8ème station : Jésus console les filles d’Israël -> CONSOLER
9ème station : Jésus tombe pour la troisième fois -> TOMBER
10ème station : Jésus est dépouillé de ses vêtements -> DÉPOUILLÉ
11ème station : Jésus est cloué sur la Croix -> CRUCIFIÉ
12ème station : Jésus meurt sur la Croix -> MOURIR
13° et 14° stations* :Jésus est remis à sa Mère et mis au tombeau -> PLEURÉ
14ème station : Résurrection de Jésus **RENAÎTRE (changements et Rajout  de l’auteur 


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HISTOIRE(S) / Voyage 66

Durant l’été 1966, des universitaires des facultés de Toulouse et Bordeaux parcouraient les sites archéologiques du Proche Orient afin d’étudier la naissance et le devenir des 1° cités-états de l’Histoire de l’Humanité, implantées dans cette zone : De Çatal Huyuk ( – 7000 AJC ) aux derniers vestiges Parthes ( env 200 pJC)
Beaucoup plus tard , je réalisais un « livre de voyage privé  » exploitant le cahier de bord du groupe – dont j’étais – et les photos très défraîchies de mon vieil Instamatic .
Pour mon exposition « Anthroposcènes  , ( septembre 2016 – le BAC Lamandine-Caylus), j’ai décidé de présenter 7 des planches de ce « journal », vieux d’un demi-siècle et témoignant d’une époque vieille de 10000 ans, parce qu’elles donnaient une résonance très à propos au reste de l’exposition plus ancré dans le passé proche et dans l’actualité.

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1.Après Mossul, passage du Tigre. Bain de buffles. Vent du Nord. Poussière jaune. Herbes séches. Caroubiers. Couvent de Mar Behnam. Eau fraîche. Filtre à Sable. Pistes incertaines. Oueds asséchés. Boue noire du pétrole.
Muscles gonflés, tendons saillants, yeux farouches. Violence. Massacres. Tortures. Exécutions.Carnages.
24 -> 28 juillet 66. Ninive. Khorsabad. Nimrud. Assur. Ruines. Rares fragment de bas-reliefs. Cunéiforme.

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2.Mille pistes se croisent, se perdent. Lumière aveuglante. Extrême chaleur. 110 kms très durs. Vitesse : 20 à l’heure. Les premiers rayons du soleil se levant avec les vents de sable, Hatra nous apparut dans une poussière d’or. 26-07-66 .
Sculptures élégantes, raffinées. Visages larges, solaires. Harmonie. Douceur.
Nuit 5 étoiles au K2 de l’Irak Petroleum Company. Miracle du pétrole. Puissance de l’argent.

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3. IRAK. 30 juillet 66. Ctésiphon . 51° à 16 heures. Marais. Pêcheurs à la foëne. Tables bleues sur la rive. Sous l’iwan, chanteur s’accompagnant du rebec. Natte de jonc. Dans la palmeraie, petites boutiques illuminées.

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4. Après Koweit et climatisation,  fournaise de nouveau. 51°. Brusques flambées jaillies du sol, attisées par le vent. Hautes torchères. Hameaux de roseaux tressés. Gare de Maquil. Train de nuit pour An NassiriyahUR. 9-08-66
Du haut de la ziggourat contempler le désert de sable, écrasé de lumière, désolé… Remonter plus de 4000 ans en amont. Imaginer une cité si florissante qu’elle étendait son hégémonie sur toute la Mésopotamie… Un fleuve énorme baignant le pied de remparts imposants… Aussi loin que porte le regard, il ne reste rien.
Nous foulons un sol dont tous les trésors sont la richesse des plus grands musées d’Europe. Notre voyage est autre. Intérieur et singulier. Remonte alors de son tombeau le fantôme de la reine Shubab et l’effroyable hécatombe rituelle de ses onagres et de ses 74 suivantes et serviteurs.

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5. Babylone. Kerbela. Bagdad. 11.08.66. L’Euphrate à 100 M s’infiltre jusqu’ici. Un monceau d’argile brune au milieu d’un marécage où croissent les roseaux. Une base aux angles arrondis émergeant des eaux glauques. La tour de Babel.
Site vaste et dévasté. Rares vestiges peu lisibles des différents palais. La Porte d’Ishtar étouffe, dérisoire, entre les murs d’un musée d’Europe. Les 120 taureaux émaillés de la voie processionnelle… dispersés… également enfermés… Restent quelques reliefs de dragons et taureaux sur briques descellées.
Hammourabi, Nabopolassar, Nabuchodonosor, Cyrus, Alexandre…
La ville abandonnée au 1° siècle de notre ère s’est lentement désagrégée.
« … les animaux du désert y prendront leur gîte, avec les chacals. Les hiboux rempliront ses maisons. Les autruches en feront leur demeure et les boucs y sauteront. Elle ne sera plus jamais habitée, elle ne sera plus jamais peuplée »

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6. Syrie. Mari. Der ez zor. Doura Europos . 15 Août 66. S’éloigner un peu, scruter le sol, fouiller du pied, et parfois un éclat turquoise, un bout de tesson, l’amorce d’une fleur, un creux laissé par le stylet, un trésor.
Si le regard des lions qui gardaient les portes du palais de Mari est si bouleversant, c’est pour ce qu’il nous transmet d’effroi résigné : rien ne pourra faire barrage à la cruauté humaine.

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7. Syrie. 16 Août 66. Résafé. Basilique de gypse. Désert. Les pistes se croisent, se mélangent. Ville morte à midi . Ombre des arcades. Fraîcheur des citernes.  Après Raqqa, plein ouest . L’Euphrate se perd dans la brume.
Au 4° siècle, Sergius, soldat romain persécuté pour sa foi chrétienne, est décapité dans ces ruines. 

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HISTOIRE(S) / Belchite

affiche phto_Site A propos

« LE TRAGIQUE DE L’ABSURDEAvis de tempêtes » Du 12 Décembre 2015 au 24 Janvier 2016 à l’ADPL. Artothèque de Gondrin. Présentation par Raoul Denis

Au commencement il y eut un voyage en Espagne, en 2014, sous la conduite de Lucien Castela, hispaniste érudit. La dernière étape eut lieu non loin de Sarragosse, à Belchite, ville fantôme depuis la fin de la guerre civile. Ses ruines, imputées aux Républicains, ont été laissées en l’état « pour l’exemple » par le régime franquiste : maisons dont ne restent que les façades, charpentes effondrées, églises à ciel ouvert, clochers torturés exhibant leurs moignons …
C ‘est là, au milieu de ces ruines découvertes au soleil couchant, sous de sombres nuages, que prend forme un original projet de création à deux qui proposerait le résultat d’une réflexion sur « les dictatures et les totalitarismes dans la création artistique« .
A l’artothèque de Gondrin en 2012, Danielle Chevalier, plasticienne, a déjà exposé un travail sur une autre ville fantôme, Chacabuco, située dans le désert d’Atacama au Chili, et devenue un temps camp de prisonniers politiques. Sa visite de Belchite a entraîné le désir de nouvelles créations qui seront présentées dans ce même lieu et, pour Lucien Castéla, la décision d’aborder le même thème par le biais de la littérature.
Lucien Castela prononcera donc pendant le temps de l’ exposition trois conférences dont l’intitulé général est  » Le tragique de l ‘absurde  » ( l’absurdité de la dictature, la responsabilité partagée, la contre – culture de la tragédie, avec des extraits de films projetés en supports de discours ). Sur Belchite, Danielle Chevalier ne présente pas un documentaire photographique mais une installation complexe ( comportant, entre autres , une série de  photos retravaillées ) qui montrent la vanité de tout projet exterminateur et la petitesse de l’homme au sein de la Nature, quelle que soit l ‘ ampleur des destructions. Cet ensemble principal sera accompagné d’ autres pièces (dessins, créations numériques, sculptures…) se référant toutes à la récurrence de la violence tout au long de l’histoire humaine. Le sous – titre choisi par Danielle Chevalier,  » Avis de tempêtes « , n ‘ a rien de rassurant pour l ‘ avenir …
Le jour de l’ouverture, Equidad Barès accompagnée de Bernardo Sandoval proposera un récital de chants traditionnels et révolutionnaires d’Espagne et d’Amérique du Sud. Avec cette triple approche, plasticienne, littéraire et musicale d ‘ un même thème , l ‘ Artothèque de Gondrin prépare un événement exceptionnel qui prouve , une fois de plus , que ce lieu poursuit une exploration exigeante et hors des sentiers battus.

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HISTOIRE(S) / Récits et Prélèvements

-> L’oeuvre d’art ? Le Musée
Cette série exploite divers éléments ramenés de voyages d’études effectués dans la zone du Bassin Méditerranéen : documents, croquis, photographies, fragments d’objets… Chaque « pièce » aborde une des réflexions habituelles du voyageur-spectateur-amateur d’art .
Objets et « restes » tantôt réels , tantôt leurres  de fouilles archéologiques sont mis en confrontation et interrogent les notions de pièce unique/ multiple,  artistique/ non artistique, copie/ faux /authentique. Trois séries alliant reliefs, boîtes et planches bidimensionnelles  ( en quantité variable de pièces )

-> Proche-Orient

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Cette première pièce a été réalisée plus de vingt ans après le voyage, à la suite de la redécouverte inattendue de quelques restes dans une enveloppe. Elle laisse remonter des moments, images et interrogations à la force étonnamment intacte. Quel peut être le degré de réceptivité du voyageur face à un passé dont il se sait constitué sans pour autant le reconnaître? Et comment « régler » l’ étonnement qui nait  face à un présent auquel il se sent encore plus étranger?

-> Espagne

APro_Recits_Espagne
Ici, Art Ommeyade et palais des différents califats étaient le but d’un voyage hivernal.
 Un matin, le paysage était recouvert de neige et pour cela échappait au temps dont témoignaient les architectures . Cet espace indatable entraînait une perturbation de la perception où le merveilleux brouillait les codes visuels. Comment traduire alors la force émotionnelle surajoutée?

-> Egypte

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Le voyage était consacré à l’étude de mastabas du Delta du Nil et d’hypogées de la région de Thèbes. A la périphérie des sites archéologiques, le commerce des oeuvres d’art était si intense qu’il a donné lieu à cette série. Il s’agit donc d’une réflexion sur l’oeuvre d’art qui témoigne ou non d’un passé, l’authentifie ou pas, selon qu’elle est  fragment réel mais insignifiant, pièce majeure, faux présumé ou copie reconnue…
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 NU / Les Peaux


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-> Frottage/Empreinte/Durée
Faire l’empreinte de l’écorce d’un arbre.
Que cherchait-t-on la première fois ? On s’est installé près d’un tronc, on y a apposé un papier long et étroit, on a commencé à frotter avec une mine. Pourquoi  ? Sans doute, dans un premier temps, est revenu un geste de l’enfance quand on jouait au frottage avec des pièces de monnaie. Voir apparaître peu à peu le profil de Marianne,  la Semeuse , les chiffres… relevait du magique. Une minuscule révélation qui  ravissait .  Mais qui était annoncée.
Ici ce qui semblait annoncé n’advient pas.
On en comprend évidemment tout de suite  la cause. Notre  oeil a vu  un relief plus ou moins accidenté, nettement repérable et analysable, et il l’a aplati , faisant son travail de synthèse , ce que le frottage ne peut pas faire. Et contrairement à la reproduction naturaliste à quelque distance du modèle, ici on dessine du caché, à tatons. On prévoit les cavités avant la déchirure, curieux de ce que l’autre nous refuse… On contourne les plages aveugles… On est en permanence obligé de « faire avec » l’autre. Peu à peu on met à jour  un lacis qui s’agrandit  . Si on le veut  signifiant et fort, il faut constamment s’adapter, opter…  pour une densité de pression,  un changement de nuance, de mine…   Entre attrait et évitement.
Etrange allégorie de la relation qui nous est habituelle : celle que l’on entretient avec les autres humains, et celle plus large de notre adaptation nécessaire à tout ce qui nous environne. Et c’est justement cette découverte qui « charge » le travail. On devient passeur . Recevoir de l’arbre ce qu’il a à nous donner : une géographie formidable et magnifique,  et le révéler de la meilleure façon.
Ensuite le plaisir naît et on recommence… avec d’autres essences, d’autres maturités. On programme : même durée pour chacun : 90 minutes. Au-delà on ne maîtrise plus. La fatigue s’installe.  Et la même attention portée à chacun permet les comparaisons. Certains donnent beaucoup, d’autres  peu. Les petits jeunes, bien lisses , se « laissent faire », les vieux, plus coriaces,  résistent , obligent à des stratégies…  Depuis le premier essai le matériel reste identique : cinq crayons. Et toujours les cinq mêmes nuances de tons chauds. Toujours la même feuille de papier recyclé et précoupé pour  cageots de fruits.
Et pourtant …. . Y aurait-il mille empreintes qu’il y aurait mille dessins différents . Chacun innommable  si l’on excepte la date d’une rencontre.

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PAYSAGE / Phytographies – Photographies

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-> Oeuvre d’art et pérennité
Les phytographies sont des croquis réalisés avec des éléments végétaux pris dans le pourtour immédiat du lieu présenté. Des sucs d’herbes ou de pétales, des jus de baies, du pollen, des moisissures, du charbon de bois…

Ce sont de très petits formats. Aucun ne dépasse 20 CM dans sa plus grande dimension.. Ils répondent à la nostalgie de ces petites vedute que l’on pouvait emporter avec soi, poser sur un coin de meuble, saisir dans ses mains et approcher de son visage. Ils tentent de traduire cette sensation d’intimité qui se crée parfois entre un humain et un lieu.
Les phytographies sont des « organismes vivants ». Constituées de matières naturelles non fixables durablement, leur condition est d’ évoluer avec le temps, de vieillir, de faner, de jaunir, et peut-être de disparaître en partie . Ce sont donc des oeuvres qui se jouent de la valeur marchande liée à l’objet d’art, puisque non perennes, mais qui dans le même temps deviennent précieuses, leur fragilité incitant à les protéger de la lumière pour prolonger leur durée de vie… Cette évolution pouvant aller jusqu’à l’effacement partiel est le second temps de la démarche; c’est pourquoi chaque création possède un double photographique témoignant de l’état initial et qui peut d’ailleurs être mis en regard, voire, à terme, prendre la place de l’original… comme on présente la photo-souvenir de qui n’est plus.

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 PAYSAGE / Neuf jours en moyenne montagne


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-> travail sur et avec le motif
Presque toutes les créations de ce site sont en relation avec la nature et portent en creux un voyage, une marche, une déambulation, et une série de gestes contenus, retenus. Toutes ont aussi comme souci premier de ne pas parler de l’artiste mais de faire « remonter », de rendre lisible le monde naturel dans tout ce qui ne se voit pas de prime abord et interroge de ce fait le plasticien .
Dans le cas de « Neuf Jours », c’est d’immersion qu’il faut parler.
Mais une immersion à visée artistique.
Le travail  s’est organisé très vite en neuf haltes correspondant aux neuf jours passés dans un secteur de moyenne montagne des Pyrénées .  Trois instances étaient à l’œuvre et devaient jouer leur partition séparément dans une sorte de carnet de voyage ou de journal de bord.
– La partie du haut serait de type documentaire : Une photo. Ce qui n’excluait pas de la retravailler totalement pour condenser tout ce qu’il était important de lui faire dire.
La photo c’est l’unité de lieu. C’est là que « ça s’est passé ».
Le hasard a offert, en préalable,  la trouvaille d’une pierre qui ressemblait à une maison… elle contiendrait donc la force tellurique que proposent tous les éléments de type minéral dans cette zone montagneuse. Et pointerait aussi la présence momentanée d’un humain dans ce morceau de nature puisque faisant partie du voyage.
-Le texte c’était l’unité de temps, indiquant par quelques moments marquants, condensant et ponctuant le cours d’une journée particulière dans cette moyenne montagne,  repercutant la vie qui va, par les faits observés, les bruits, les odeurs,  les changements atmosphériques …
-Quant à la longue bande médiane elle était l’unité d’action(s), celle de l’artiste dans le milieu: les frottages, prélèvements, croquis, relevés, grattages, estampages, toutes actions échappant volontairement à l’expressionnisme psychologisant, la seule ambition  étant de « donner la parole » aux constituants,  choisis parce que caractéristiques du lieu.
Les matériaux et supports très légers contenus dans un sac à dos amènent à des contraintes ; on  ne peut pas tricher. Il faut faire avec ce que l’on a.    Recueillir une ombre portée, le tracé d’un contour,   composer avec l’axe du soleil,  mouler  une pierre, encastrer ses accidents en creux, récupérer un suc de pétale pourrissant, frotter avec des jus de feuilles, écraser et imprimer un champignon arraché, noircir ou colorer un support avec  une terre humide,  effriter du charbon de bois  sur un papier encollé, racler au couteau la poudre de lichen verdâtre d’un tronc d’arbre…
…. A chaque élément choisi , il faut très vite  s’adapter, imaginer quelle action, quel outil,  pour quel résultat… et c’est dans l’extrêmement petit parce qu’on s’astreint à étudier au mieux un mètre carré d’espace. Déjà d’une richesse très au-delà de ce qu’on pourra en dire.
Alors bien sûr on ne représente pas ; on essaie juste de faire en sorte que chaque élément se présente, soit là près des autres dans sa force ou son extrême fragilité. Le fugace côtoie le permanent; l’impalpable le grossier, le prévu l’indéchiffrable… Tout doit y être , chacun à sa place.

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Dès le début, on a en tête une autre donnée: on sait que l’on travaille avec des matières et des éléments dont la plupart   sont éphémères , voués à la transformation . Dès le début on sait que rien ne s’arrêtera quand on s’arrêtera. Le temps prendra le relais. De façon imprévisible mais certaine. Ce changement d’apparence, d’intensité colorée, ce vieillissement qu’imposera tout ce qui vient de la nature aux deux autres instances: l’écrit et la photo -qui sont celles de l’humain-  est la deuxième partie de cette démarche.    La photo de bonne qualité au tirage, le texte imprimé ne bougeront pour ainsi dire pas. Par contre la longue bande va peu à peu évoluer, parce que les éléments végétaux et même minéraux non fixables durablement vont pâlir, virer…certains disparaître.
La longue bande est l’élément réellement vivant.
C’est la course du temps qui est là en jeu, mise en scène dans une minuscule proposition.

PAYSAGE  / Paysages vénitiens, bohémiens, manchegos

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-> Quels paysages ?
Les « Paysages » (Vénitiens  en 2010 , Bohémiens en 2012 , Manchegos en 2013… ) sont des créations numériques qui toutes ont pour point de départ la photographie d’un détail architectural  insignifiant sur le plan artistique  (murs, marches, piliers, cloisons, portes, sols goudronnés, pavés….) mais très riche en possibilités  plastiques grâce aux dégradations ajoutées par le passage du temps. Tous ponctuent des parcours à la façon de carnets de voyages.
Les Paysages Vénitiens sont un hommage au travail  conjugué des saisons,  de l’ acqua alta,  du soleil, des marées, de l’humidité, de la pollution, de l’intense trafic maritime… sur le patrimoine bâti de la ville de Venise.  Les Paysages Bohémiens et Manchegos , un hommage à celui  des pluies, du gel, des violents écarts climatiques,  du passage des hommes… sur le patrimoine bâti des villes et villages du sud de la Tchéquie ou du Nord de l’Espagne (Mancha).
Un hommage à la dégradation suggestive… à la poésie de la dégradation.

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 PORTRAIT /  Les Grands Transparents

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 -> 1  Dessiner des portraits d’arbres procure une intense sensation de plénitude – indépendamment d’une autre sensation présente dans toute création et qui serait l’excitation, liée, elle, au choix des procédures. La raison émerge lentement :  l’extrême complexité de chaque « individu » arbre et la logique finale de cette somme de complexités qu’il contient, à mesure que l’on avance de ses racines vers son sommet, est la réponse ( et l’explication) la plus plausible au chaos apparent de la vie, à la question implicite permanente de l’homme sur son existence. L’arbre condense dans la totalité de ses composantes l’allégorie de tout le reste de la vie et du mouvement sur terre  : sa nécessité de s’élever en réagissant à chaque instant à l’action de l’extérieur sur lui. On pourrait même  dire « en interagissant ».  Déjà sans pouvoir en formuler exactement les causes, on « voit » si l’arbrisseau a dû faire avec ce qui pourrait avoir été   l’écrasement d’un sabot de cheval, le partiel déracinement causé par la chute d’une roche … et plus on monte, plus on peut imaginer … des étés plus chauds, des périodes de sécheresse , des blizzards avec poussées directionnelles, la foudre, des congénères obligeant à un étalement contraint et restreint, et les déprédations liées à l’homme ou aux animaux .
Par ailleurs la durée d’existence d’un arbre adulte contient généralement déjà la totalité de la nôtre, passée et à venir… jusqu’à  son terme. On se voit, être humain, dans un morceau infime de l’arbre qui est en face de nous,   et qui continuera sa course bien après notre mort puisque sa durée de vie et celle de l’homme sont sans commune mesure. Il était là bien avant nous et il y a toutes  chances  qu’il soit encore là bien après nous.  C’est fascinant et reposant . On n’est plus seul face à sa propre course, on est élément d’un tout, on peut inscrire mentalement notre place dans la sienne, à l’aune de la sienne , même si pas totalement lisible encore, mais prévisible et programmée. Pourquoi existons-nous… Mystère.  Mais nous existons. La contemplation de l’arbre peut nous donner une réponse :  nous sommes là pour nous construire en fonction de deux paramètres essentiels : ce qui nous constitue et ce que l’environnement nous impose de prendre en compte. Mais le choix nous est permis dans ces contraintes multiples comme l’a eu l’arbre, puisque deux arbres très proches géographiquement et de même essence peuvent être si  différents. Or, nous humains, en fonction de ce que nous proposait le monde extérieur à chaque étape de notre vie, et de ce que nous avons accumulé en nous au fil des années, avons mis en place des réponses-actions-pulsions…  Par exemple créer… La création plastique est une réponse. La réponse qui s’est présentée à un moment, parmi beaucoup d’autres sûrement, et que certains « choisissent » , et remettent en place de façon récurrente, parce que peu à peu elle s’est inscrite chez ceux-là et les constitue. Ils auraient pu ne pas croiser le vent de la création et il y aurait eu autre chose . Il y a eu bien d’autres choses d’ailleurs.  Est-ce dans des périodes de fragilité et de nécessaire réaction que se situent ces choix? Est-ce chaque fois qu’une perte d’homéostasie se met en place ? Il semblerait , dans le cas de l’arbre, que ce soit  au moment où une poussée extérieure inhabituelle se présente qu’il est amené à réagir et cela s’inscrit visiblement dans les détails de ses circonvolutuions externes, de ses nœuds, de ses cavités,  changements de direction… sinon le tronc serait vertical, l’ordonnance régulière. On dirait alors dans notre jargon d’humain que la forme est parfaite. Alors que pour l’arbre la forme parfaite est justement l’autre, celle qui a su épouser tous les écueils successifs et dont témoigne son enveloppe visible. Le hêtre en est sans doute le meilleur exemple.
On sait par connaissance livresque qu’il en va de même de la partie cachée. Elle  aussi a réagi à d’autre forces qui venaient du dedans et qui ont  également influé jusqu’à l’enveloppe. Chez l’arbre, c’est le cambium qui est à l’oeuvre.
Quant au spectacle que donne l’arbre, c’est une merveilleuse géographie d’un monde d’équilibre, de rééquilibration permanente, dynamique. Et donc d’harmonie. Quand on voit un tableau au mur qui a perdu son horizontalité  on ne peut s’empêcher  d’aller le « redresser ». L’arbre se redresse en permanence et le spectacle qu’il nous donne n’est jamais à reprendre.

-> 2  La notion de performance :
Dessiner un portrait d’arbre quand il dépasse le mètre de haut, et qu’au départ il était une photographie, nécessite une somme d’actions de préparation du « terrain » excessivement longue et minutieuse …   ce temps-là est celui  de l’artiste seul . Mais dès que commence le travail avec les stylos et les différentes mines , dès que l’on oublie  technique et petits réajustements, alors commence l’important : ce n’est pas une question de minutie, de travail de dentellière. Ni même d’écart au modèle puisqu’il ne s’agit jamais de repasser mécaniquement sur un « dessin » préalable; tout est à renégocier.  L’important c’est la durée ; impossible à prévoir mais certaine :  « ça » va être long et totalement accaparant, il y faudra de nombreuses journées,  et ce travail viendra immanquablement court-circuiter le cours du quotidien habituel . C’est en quelque sorte la valeur « performance » qui est en jeu. Faire un grand transparent est une performance … modeste, intime, qui n’apparaît qu’en filigrane… D’ailleurs une des questions qui revient fréquemment c’est : « Combien de temps mettez-vous pour faire ça ? Ça doit être très long… plusieurs jours, plusieurs semaines? … toujours  dit avec étonnement, presqu’inquiétude . De nos jours « faire long » parait étonnant au spectateur.   Or cette donnée qu’il  doit éprouver d’entrée m’intéresse. Car pourquoi un artiste s’inflige-t-il de faire « long » ? Cette question est la base, le point de départ de la réflexion que je souhaiterais voir naître, la notion de durée difficilement évaluable mais longue à coup sûr..  et apparaissant dès l’abord. Une sorte de coup de poing de la durée en quelque sorte. Dans quel but ? Se poser la question c’est déjà avoir une réponse : ça ne peut pas être pour rien. Les journées ne faisant que 24 heures, il y a obligatoirement sacrifices, mais aussi, à part un masochisme pathologique, un plaisir programmé et une intention consciente. Cette particularité  de l’oeuvre plastique qui se donne d’entrée dans sa totalité même si elle se  contemple et s’affine ensuite dans une durée que chacun choisit, en est la cause : d’entrée de jeu, voir, donc savoir que l’élaboration a été obligatoirement ,  donc sans doute volontairement, très longue retient de  glisser vite vers ailleurs, interroge sur l’intention. Ce réseau complexe de traits pourrait devenir un filet amenant à une conscience : arrêtons-nous pour regarder, prenons le temps . Dépasser la vision d’ensemble, la silhouette, la reconnaissance « ah oui, c’est un arbre, ah oui c’est même sûrement un chêne… » Et ce temps inscrit dans la création nous renvoie, Frédéric Jourdain l’a fort bien vu et dit,  à cette idée du temps de croissance et de vie de l’arbre.
Les Grands Transparents et les Peaux sont des performances. Que l’on s’attaque à l’image retravaillée de l’arbre, dans le premier cas, ou directement à lui dans le second, c’est avant tout à une durée que l’on s’attaque, aléatoire et séquencée mais longue dans le premier, de une heure trente – sans arrêts – dans le second, parce qu’arrêter n’est pas possible étant donné la procédure.(Il serait impossible de re-positionner la feuille au même endroit exactement ). Dans le premier cas on s’arrête parce qu’on pense avoir tout dit. Dans le second, on a dit beaucoup ou peu selon ce que l’autre nous a autorisé à prendre. Dans le premier cas on a le sentiment de revenir , étourdi et heureux, d’un très long voyage, dans le second, étonné et soulagé, d’une mission risquée et délicate.

> 4  Portraits de « caractère » et arbres

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Chaque arbre est unique et se personnalise de plus en plus avec l’âge puisque son apparence est une perpétuelle réaction au milieu environnant.
Grands et Petits Transparents  sont des portraits . Ils sont traités comme tels avec ce qui caractérise le portrait de genre : une accentuation des spécificités de l’individu considéré.
Grands et Petits Transparents sont aussi des portraits de caractère , des portraits « psychologiques ». Chacun est mis en relation avec un élément  extérieur à lui mais qui lui est personnel et   témoigne en quelque sorte de sa fonction au sein du lieu.
On peut  répertorier essentiellement 2 typologies relationnelles:
– soit « active » : l’habitat (nids, cavités), la protection (caches), la fréquentation (reposoir ou parcours)…
– soit  « passive » : l’attaque maîtrisée (taille) ou l’attaque- mutilation ( foudre, essartage, vermine).
La plupart du temps ces fonctions n’apparaissent que par des traces permettant de déduire les actions passées  sur ou dans le pourtour du sujet observé. Il paraissait donc aller de soi de les traduire par une intervention minime,  de couleur unie et de type signalétique, l’autre de cette relation étant inscrit dans une  actualité limitée dans le temps même si répétitive, face à cette présence immobile et immuable …
Un portrait c’est aussi le plus souvent un décor ou une toile de fond . Or l’arbre est  condamné à l’immobilité, donc au même environnement paysager qui bien souvent, à cause des caprices du propriétaire, contrarie ou détruit tout ce qui émane du spectacle du « sujet » seul.
Les « Petits Transparents » ont donc  été   installés volontairement dans un décor, une ambiance atmosphérique, et une saison susceptibles de renforcer  ce qui émane d’eux  .

S’est ajoutée une réflexion sur les différents procédés de représentations. Le grand écart entre l’outil traditionnel du dessin classique au service d’une représentation hyperréaliste dans le cas de l’arbre , le pictogramme-signe avec plastiques colorés autocollants de la signalétique industrielle dans le cas de la trace et les photographies et acétates colorés dans le traitement du décor , était aussi une façon d’inscrire ces portrais dans une sorte de traversée de la Représentation .

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  ->SCÈNES / Les Marchands 

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-> Jeux d’enfance.
Ce travail renvoie à l’enfance, quand l’enfant jouait au marchand avec ses  camarades.
Chaque graine, herbe, brindille, caillou, par sa ressemblance forme/ couleur devenait alors un substitut miniature d’un élément marchand réel du monde de l’adulte ( cailloux -> pommes de terre, herbes attachées -> bottes de poireaux…) … avant que les objets et végétaux réels ne soient eux-mêmes proposés à la vente en magasin, miniaturisés et moulés dans du plastique, annulant de ce fait la partie la plus enrichissante et formatrice  du jeu : la désignation personnelle attribuée à chaque groupe d’éléments collectés .   Le jeu qui dans le premier cas était travail réflexif débouchant sur une création réelle se résume aujourd’hui à  une banale activité mimétique. D’où le renvoi volontaire à un passé plus lointain que suggèrent les formes, les matériaux et  les déformations des trois contenants.
Les éléments choisis ici sont donc destinés à renvoyer à l’enfant créateur et non à l’enfant utilisateur-consommateur, à l’enfant qui entrait en communion avec le milieu environnant, qui regardait, qui touchait, qui récoltait, qui détournait.
L’ensemble est  « décalé », sans couleur , inutilisable en l’état,  l’ ambition étant de réveiller un monde magique intériorisé  et non d’être utilisable comme jouet.
Le choix des 3 catégories de contenus (végétaux, minéraux, animaux ) permet de mettre en scène trois jeunes boutiquiers proposant des marchandises distinctes.
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-> A PROPOS DES PAYSAGES MURS : Un Extrait du « TRAITÉ DE LA PEINTURE » de LÉONARD de VINCI (écrit vers 1490  ) 
«  Je ne manquerai point de faire figurer parmi ces préceptes un système de spéculation nouveau, encore qu’il me semble mesquin et presque risible, il est néanmoins fort utile pour exciter l’intellect à des inventions diverses. Si tu regardes des murs barbouillés de taches, ou faits de pierres d’espèces différentes, et qu’il te faille imaginer quelque scène, tu y verras des paysages variés, des montagnes, fleuves, rochers, arbres, plaines, grandes vallées et divers groupes de collines. Tu y découvriras aussi des combats et figures d’un mouvement rapide, d’étranges airs de visages, et des costumes exotiques, et une infinité de choses que tu pourras ramener à des formes distinctes et bien conçues. Il en est de ces murs et mélanges de pierres différentes, comme du son des cloches, dont chaque coup t’évoque le vocable que tu imagines » 



2° SECTEUR : TEXTES CRITIQUES

 ->  Texte de Geneviève André Acquier pour l’exposition « AnthropoScènes« .  LAmandine Caylus.2016

« Vous dites : le monde souffre, et, sur le seuil,
la beauté est demeurée seule pour personne. »
Jacques Ancet

Comme il s’est imposé dans la création contemporaine, le travail de Danielle Chevalier se présente en séries, que le regardeur est invité à considérer comme autant d’étapes dans la recherche de l’artiste. Work in progress, dit-on. La direction est à découvrir.
A l’étape, faire halte. Et suivre.
Séries comme autant de cailloux semés sur le chemin.
Portraits d’arbres, phytographies, tyranoptères… jusqu’aux récentes anthropoScènes… Séries.
Les dénominations sont savantes, l’installation recherchée, les techniques sûres, les supports élaborés, les écrins précieux. C’est un signe. Il n’est pas d’art sans la nécessité de l’étude, du  travail, du savoir-faire. Mais la recherche est ailleurs, à découvrir dans la  boîte, sur le transparent, sur le socle ou au sol, dans la matière mise en œuvre ; à trouver en suivant le fil qui lie au long des années tous ces travaux.
L’image d’une eau qui dort, cette belle pierre veinée d’ivoire que le crayon prolonge en un branchage échevelé, des œufs finement modelés dans leur creux de  terre noire ou ces  délicats paysages de montagnes… dessinent la démarche d’une artiste qui, sans dédaigner le contentement de l’amateur d’art, cherche à le questionner, comme elle avance elle-même dans son travail, et sa réflexion.
Chemins
Qui ne disent pas la destination
Sait-on d’avance où ils mènent ?
Oublier le  savoir
Chemins
Ce n’est pas un vain mot pour cette artiste qui trouve dans les aspects du monde terrestre ce qui l’émeut et la fait travailler : la pierre qui surprend, l’arbre qui s’élance, la ruine qui témoigne, le fleuve qui passe, tous ces lieux semés de signes, pour preuve qu’il est un espace d’être plus vaste que le moi. Pourquoi l’artiste se contenterait-il de représenter ?
Se mettre à l’écoute. Le brin d’herbe aussi a quelque chose à me dire. De l’espace à habiter, et du temps à vivre. De la condition commune.
Lieu miroir
Retour donc au concret. A l’œil qui s’émeut d’un rien, d’une trace qui interpelle l’artiste (regardeur / regardé) et qui, à force d’attention, se  livre dans l’atelier. Au  langage à inventer pour dire la rencontre et à adapter sans cesse aux nouvelles saisies du parcours.
Work in progress
La récente exposition-installation, AnthropoScènes, à Lamandine (Caylus) en montre l’authenticité, toute entière redevable au dialogue avec l’esprit des lieux.
A  commencer par ce voyage des années 70 en Irak et Syrie qui avait pour objet d’étudier les vestiges des anciennes cités et d’en dresser les plans. Ces dessins, assortis de quelques fragments de roches récoltées, témoignent aujourd’hui, parmi les œuvres postérieures, désormais perçus comme les premiers pas d’une expérience artistique née dans l’immensité du désert et le chaos des ruines. Comme si cette mission archéologique prenait valeur, dans l’après coup, d’une rencontre avec soi-même, propre à insinuer dans l’esprit le désir de ce qui situe.
Entre infini et néant, présence et effacement.
Face à la question du Temps et face à l’Histoire…

-> Texte de Christophe Bassetto, directeur de l’Artothèque de Gondrin pour l’exposition  « AVIS DE TEMPETES » .

Danielle CHEVALIER revient à la galerie de l’artothèque ; il y a tant à dire et à montrer.
Son travail me fait penser à  Dino Buzzati; «  tout dans le jardin était poésie et divine tranquillité ». Pour peu que le regard en soit éloigné, la pensée aux champs et la naïveté au bord des sentiments. Que sont  ces œufs dans ces nids douillets, construits avec amour, ces glands dorés comme autant de trésors ? Que sont ces promesses d’avenir, ce poupon étrangement accoutré et sans joie ?
L’artiste nous offre son travail comme un enfant apporterait ses jouets, son musée personnel fait de cailloux, de nids récoltés, de graines et autres dons de la Nature.
Sans relâche, elle recueille, collectionne, accumule, transforme, en quête des émotions d’origine, nous en montrant les délices jusqu’e dans ses Phytographies à la beauté éphémère. Tout est fragments et, avec une précision ordonnée comme organique, son désir de reconstituer une Totalité heureuse et perdue parait un deuil à surmonter sinon une nostalgie active.Fausse innocence.
Approchez-vous, voyez enfin.
Comme la Nature fait naître et croître, la mort pousse sous la peau de ses paysages. Elle fermente, sous l’écorce ou encore les coquilles. La kermesse infernale va commencer, elle recommencera jusqu’à la fin des temps. »Le ventre est encore fécond … » ( B.Brecht )
Vanitas vanitatum, et omnia vanitas.
« Avis de Tempêtes » est plus qu’un artefact : la possibilité d’un sentier pris entre Nature et Nature Humaine, de l’innocence à la responsabilité.

-> Postface de Geneviève André-Acquier pour le livre « Grand Amour » tiré de la création plastique.


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L’artiste aujourd’hui nous a accoutumés à la perméabilité des genres. Voici que les mots, déjà présents dans l’œuvre exposée, tirent le propos de Danielle Chevalier vers le livre.
Ouvrage conçu comme une ultime déposition de ses trouvailles, livre et album, à lire et consulter comme on évolue, curieux et bientôt concernés, dans une archive privée.
Quelques pages seulement où reposent désormais – hommage à l’humanité anonyme – de menus objets, prélevés ça et là, comme autant de traces de vie, et de questions posées au passant attentif. Un bijou de pacotille, quelques photos jaunies, des initiales brodées…, un carnet de notes sur lequel sont jetés, avec la liste  des obligations quotidiennes, des mots, des phrases qui, sans livrer leur secret, disent le cœur débordant de vivre et l’esprit arrêté sur le moment qui passe.
Traces…
Dans ces feuillets qui présentent, triés, rangés, les fruits de sa collecte, Danielle Chevalier œuvre une histoire personnelle. Objet, image, texte, chacun, à sa place, fait date et sens, et se donne – simplement – à méditer. Un sous-bois, le Grand Canal, la devanture d’une boutique ou les abords d’une demeure : des photos « en souvenir », moins de lieux que de moments, où la conscience d’être au monde se concentre dans le regard. Il y avait présence. Moments à jamais perdus ? Souvenir, imprimé dans l’étoffe dont nous tous sommes faits.
Traces.
Traces bordées de silence, où se décantent le passé, les peurs, les pertes, les renoncements et les émotions du miraculeux partage. Le récit est là, à tisser, à bâtir de mots et d’images, petits cailloux sur le gué qui montre l’autre rive…, celle de la beauté consolante.

« Je cherche en tâtonnant à attraper dans le vide le fil blanc invisible du merveilleux qui vibre, et duquel s’échappent les faits et les rêves avec le bruit d’un ruisseau sur de petits cailloux précieux et vivants  » Alberto Giacometti

-> « A propos des Pierres 5 et 6 » – par Michel Gaubert. 

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On ne prête pas assez attention aux pierres ; on oublie qu’elles appartiennent au monde vivant . Leur vie séculaire les rattache  aux temps et aux hommes qu’on aime souvent appeler primitifs. Il faut s’inspirer des Chinois qui sont capables de lire tout un paysage dans la surface de la pierre, comme si pour eux, dans l’harmonie de la nature il n’y avait pas de césure entre les éléments mais continuité de l’être. La « Pierre n°6 » fait invinciblement penser au manteau d’un prince mongol, de Gengis Khan sans doute, qu’un soldat vient saluer sur la terre frontière entre la forêt, au fond, et la steppe, au premier plan. Ce n’est pas seulement le pays brutal qu’on peut ainsi contempler, avec tout le poids de sa réalité, mais aussi, dans le mouvement du manteau agité par le vent furieux d’Asie Centrale qui poussait les hordes à la conquête du monde, on saisit l’intensité et la profondeur de l’histoire, évoquée d’une façon encore plus profonde, encore plus puissante, que de simple main d’homme gravant une orgueilleuse inscription sur un fronton. Et en effet la faille au centre  descend dans des profondeurs auxquelles on n’aime plus penser.
Dans la perspective de la Pierre N°5, entre les énormes piliers barbares, le regard s’enfonce à travers la forêt première, hivernale, jusqu’au temps des tribus qui venaient de découvrir comment utiliser le feu.
La mémoire des pierres, bien plus fidèle que la nôtre, nous semble insondable : elle ne l’est pas. Elles offrent tout, immédiatement sous nos yeux. Il faut savoir regarder. Telle est la leçon que nous propose Danielle Chevalier. La vraie richesse des pierres est poétique .

->  « Les Grands Transparents » par Frédéric Jourdain.

L’arbre est un autre qui nous rappelle notre belle complexité.
Danielle Chevalier partage avec le botaniste cette obstination à scruter et à relever les moindres arborescences de la structure des arbres. Animée d’une même attirance pour le détail, elle se plaît à distinguer chaque essence et chaque individu. Précisant par une intervention signalétique colorée la fonction qu’il occupe dans la forêt, elle finit par en dresser un portrait qui tient autant de la planche botanique que du portrait de genre. Chaque branche est là avec ses centaines de ramifications, chacune indispensable à la cohérence du tout. Les dimensions imposantes du format et la précision du dessin témoignent du temps privilégié pendant lequel l’artiste a fait connaissance avec son sujet. Pour autant, il n’y a pas de dimension psychologique dans ces portraits d’arbre, mais une curieuse sensation de présence : l’arbre est là ! Les plus botanistes d’entre-nous reconnaissent bien sûr l’essence à laquelle il appartient, mais il s’impose surtout à chacun par sa singularité : aucun détail le distinguant des autres individus n’a été passé sous silence. Comme un autre nous-mêmes, il nous fait face et nous renvoie comme un miroir la fascinante complexité dont il est fait.
Marcher et dessiner.
D’un trait fin, Danielle Chevalier fixe à l’encre noire sur une grande feuille transparente tous les chemins que notre œil peut parcourir dans la frondaison de l’arbre, toutes les excursions praticables dans les reliefs de l’écorce. Son œil a épuisé tous les trajets possibles. Comme la carte dépliée d’un vaste paysage, ces dessins de grandes dimensions donnent au spectateur le goût et la mesure d’un voyage. Ils traduisent plusieurs temporalités qui se répondent. D’abord celle du promeneur contemplatif dont le rythme de la marche est déterminé par les rencontres qu’il fait, puis celle du dessin. Chacun sait que le dessin est composé de traits discontinus organisés dans l’espace du format et pourtant il s’offre à nous sans rupture apparente comme une ligne noire continue allant, passant, revenant selon les circonvolutions du sujet.
Enfin, le temps difficilement mesurable de l’exécution du dessin nous renvoie à la temporalité vertigineuse de la croissance de l’arbre.
On pense à Richard Long qui disait : « Marcher, c’est dessiner du temps qui passe ». Les Grands Dessins de Danielle Chevalier, à l’inverse, traduisent le temps passé à marcher dans le paysage au côté des arbres.

-> Paysages Vénitiens. Paysages Manchegos. Par Isabelle Sengès.

Paysages Vénitiens.
Pans de couleur, tels des morceaux choisis, chacun de ces paysages convoque notre imaginaire que le titre et les noms de lieux, associés à la cité vénitienne véhiculent et nourrissent . Leurs “découpes”, toutes identiques, convoquent notre regard comme une invitation à arpenter, tels des marcheurs et voyageurs imaginaires, le lieu-même de leur émergence. La fracture est ici dans l’entre-deux, le hors-cadre, dans l’espace laissé libre qui à la fois sépare et unit. Chacun ainsi se définit dans sa différence et sa parenté, et invite à la contemplation.
Sols ou murs, ces « texturologies » entraînent un déplacement du regard qui parcourt, effleure et creuse, entre matière, graphisme et couleurs. La nature s’insinue dans le travail du temps, et chacun de ces Paysages, comme un arrêt sur image, en cristallise une mémoire tant visuelle que culturelle.

Paysages Manchegos.
Au-delà du clin d’œil lié à Manchegos, et si le rapport entre le titre et l’image qui rattache cette série à la longue tradition – depuis les taches des vieux murs de Léonard de Vinci en passant par les « pierres de rêves » de la Chine (dont Roger Caillois a fait l’éloge dans son ouvrage « Pierres ») – fait de l’informe le lieu-même de nos projections imaginaires, Danielle Chevalier s’en saisit tout en déployant l’idée même du paysage en un panel stylistique différent.
Paysage au lavis vaporeux, paysage matiériste, paysage-carte, paysage couleur sépia à la perspective atmosphérique, paysage pictural aux empreintes telles des feuillages, paysage lumineux, paysage coulure, paysage pariétal révélant la trace de l’homme dans le blanc de sa chaux…
Entre mur peint et tableau-fenêtre, chacun de ces univers dévoile comme une intériorité sous-jacente, surface de révélation qui en-deça de ses couches apparentes fait de la superficie, profondeur.
Au-delà du signe manifeste des craquelures, failles, fissures et autres manifestations du temps modifiant l’apparence du mur et qui renvoie à sa matérialité, apparaît tout un territoire – intra ou extra – qui dans l’entre-deux de ses frontières, dévoile ses paysages de rêves.

->Texte de Béatrice Bantman pour l’exposition « Histoire de Flou » .Istanbul 2009

Le fard pleuré de tes paupières…
…l’insensibilité de l’azur et des pierres
(Stéphane Mallarmé)

Danielle Chevalier est une entremêleuse, une brouilleuse de pistes qui joue avec toutes les espèces de la nature pour mieux les fondre et les confondre .  Bien avant de devenir artiste, sa formation – une agrégation d’arts plastiques puis une maîtrise de psychologie clinique- suggérait ce goût d’abolir les frontières, précursion d’un attrait pour le flou, et ce souci de l’humain, toujours présent même dans ses compositions les plus végétales. De là découle en toute cohérence une oeuvre hantée par la détresse humaine opposée – et apposée- à l’apparente impassibilité de la Nature et à la prétendue inertie des pierres ; pierres, plantes, er arbres évoquent irrésistiblement la destinée des hommes, dans ses aspects les plus cruels. Dans ces Histoires de Flou, on retrouvera donc tous ces thèmes entremêlés jusqu’à la confusion : les maladies des hommes et la force de la nature, l’immobilité des pierres et la violence des guerres, l’innocence d’un petit nid où couve la barbarie et les grands monstres de l’humanité. Et la confrontation se fait métaphore : pierres vives, arbres morts, pierres volcans, branches tordues comme des corps torturés, pierres immuables contre le souffle des guerres et des catastrophes, arbres blessés comme la peau entamée habitent constamment les séries les plus récentes. On ressentira ce même désespoir , comme une grande solitude, dans Grand Amour, oeuvre plus ancienne mais tout aussi paradoxale, qui conte l’histoire triste d’un amour présenté comme une montée au Calvaire.

Ainsi entendra-t-on peut-être les soirs de lune, le rire des pierres et les pleurs des arbres.